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Retour sur ISPO 2017 à Münich (Allemagne)

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Tous les ans, c’est la même histoire : toute l’industrie de l’outdoor et du sport s’installe à Münich (Allemagne) pour une intense semaine de salon, rencontres, sourcing, apéros endiablés et dégustation de Bretzels. 85 000 visiteurs venus de 120 pays et pour la 5ème année consécutive, nous étions parmi eux ! SWiTCH a en effet arpenté les dédales de ce véritable labyrinthe qu’est Messe München pour prendre le pouls de l’industrie, dénicher les nouvelles tendances et rapporter quelques pépites. Voici nos impressions à chaud et en direct du lounge VIP de la 45ème édition d’ISPO.

L’adaptation aux évolutions du marché

L’ajustement des marques aux évolutions du marché que nous avions expliqué en 2014 commence doucement à se mettre en œuvre. On voit ainsi apparaître de plus en plus de produits évolutifs ou multi-usages « sport et urbain ». On peut citer à titre d’exemples Oakley – avec des poches rectangulaires et des fits plus amples, Picture Organic Clothing – avec des dégradés de couleurs, des imprimés photos ou motifs ethniques et, d’une manière générale beaucoup de couleurs automnales – ou encore Black Crows. Cette dernière marque reconduit sa collection de vêtements « Corpus » et va décliner prochainement une collection lifestyle « Traverse », ainsi que les sacs « Dorsa » (en 18 et 27 litres) utilisables aussi bien en ville qu’en montagne. Pour cela, la marque chamoniarde adopte les codes de la ville avec un beau travail sur des coupes plus droites et moins près du corps, des cols originaux, des écussons, des pressions (partout !), une capuche rétractable avec un système de zippers – « pour aller plus vite sur les pistes ! » nous a confié Julien Regnier en personne – et la possibilité de mélanger les couleurs entre les hauts et les pantalons de façon à ce que cela reste portable en toutes circonstances. Lafuma a aussi adopté le « mix & match » des coloris de ses vêtements pour offrir plus de liberté de choix et mieux coller à la versatilité des attentes des clients.

Les couleurs de l’hiver 2017/2018 sont le bleu marine, le jaune et le orange… aussi fluo que possible ! Les traitement mats ont le vent en poupe, mais paradoxalement les produits contenants de la lumière pour mieux se signaler aux autres semblent faire une percée.

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Enfin, comme nous l’avions remarqué l’année dernière, les gammes de ski de randonnée continuent à s’élargir. La marque suisse Movement présente ainsi pas moins de 20 modèles ! Même le snowboard, qui est en chute libre depuis de nombreuses années, semble connaître un petit regain grâce aux différents splitboards, chez Rossignol notamment, avec son modèle « Sushi » qui nous a beaucoup plu.

ISPO 2017 - Armelle Solelhac - SWiTCH 5Crise de confiance et l’étendard du développement durable

Pour se donner plus de consistance en ces temps de vache maigre, comme si le manque d’innovation et de renouvellement privait les marques de belles histoires à narrer, elles se racontent à grands coups de « missions statements » et clament (trop ?) haut et (trop ?) fort leurs « core values ». Elles revendiquent leurs origines françaises, norvégiennes, allemandes ou encore américaines pour mieux faire oublier que leurs produits sont en fait fabriqués en Asie. Elles reviennent sans cesse sur leur parcours, leurs innovations passées, les accomplissements des quelques rares athlètes qu’elles soutiennent encore du bout des doigts. Toutes les composantes de la parfaite plateforme de marque y passent, mais rien n’y fait : la confiance en la reprise économique n’est pas encore vraiment là.
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ISPO2017 3 - Armelle Solelhac - SWiTCHAlors pour se rassurer, elles brandissent l’étendard du développement durable et des efforts qu’elles consentent à réaliser pour être « plus propre », « plus honorable » et « plus désirable », parce qu’elles ont enfin compris que c’est désormais devenu un véritable critère de choix pour les consommateurs.

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Vers la toute-puissance des marques ?

Les marques ont aujourd’hui une puissance qu’il est difficile de mesurer. Alors que le brand content est poussé à son paroxysme, un partenariat d’un tout nouveau genre vient bousculer le monde merveilleux (ou pas) des média…

La fameuse marque de lunettes de sport Oakley et le site internet dédié aux athlètes féminines espnW s’associent. EspnW va ainsi pouvoir booster son audience grâce à des championnes de renommée internationale sponsorisées par la marque californienne. Quant à celle-ci, elle disposera d’une vitrine de choix sur la toile, les réseaux sociaux et les évènements relayés par espnW.

Ainsi, la nécessaire distinction qui était faite entre le contenu éditorial librement décidé par les Rédacteurs en Chef, les publi-communiqués et la publicité devient caduque. Avec la multiplication des blogs, le phénomène des publi-communiqués a pris de l’ampleur. Rédiger un article selon les directives d’un annonceur est en effet chose courante. Le seul bémol : jusqu’à aujourd’hui, la publication n’étant pas neutre, il était nécessaire d’en avertir le lecteur. Or, ce partenariat bouleverse les règles établies.

Bien qu’on ne puisse pas nier l’innovation du procédé, on peut légitimement se demander jusqu’où ira la volonté de contrôle des marques. Red Bull est l’exemple parfait de cette appropriation des média par les marques. A défaut d’avoir un réel support d’information, la marque à la réputation sulfureuse organise les évènements, sponsorise les athlètes et fournit le contenu. Les média semblent pris en otage et dépossédés de leurs fonctions premières : produire du contenu et informer en toute indépendance.

Il en va de même pour les fédérations sportives. La récente incorporation de l’épreuve de halfpipe en ski aux prochains Jeux Olympiques d’Hiver de Sotchi pose la question du risque de blocage de l’évolution de cette discipline en raison de la réglementation imposée par la FIS et, par conséquent, de la perte de son esprit « freestyle ». La mort annoncée du Ski de bosses a laissé de douloureux souvenirs… A l’inverse, les marques encouragent les athlètes à faire évoluer leurs sports vers plus de technicité, de performance et de sensationnel. Et si un jour les marques (plus progressistes) suppléaient les fédérations (trop restrictives) ?

Nouvel arbitrage, nouveaux enjeux. Rien ne semble arrêter les marques qui, pas à pas, deviennent omniprésentes. Leur pouvoir ne se borne plus aux choix des consommateurs, mais elles envahissent d’autres terrains de « jeu », comme le social, l’art, l’éducation ou le sport… On peut se demander, à juste titre, où sont les limites ?