Articles

Retour sur les 2ème rencontres mondiales sur le futur du tourisme lors des Entretiens de Vixouze des 7 et 8 septembre 2017

Processed with MOLDIV

La 2ème édition des Entretiens de Vixouze, qui a eu lieu les 7 et 8 septembre 2017 dans le Cantal, a tenu toutes ses promesses. Un cadre enchanteur, des intervenants de très haut niveau et des sujets pointus de prospective sur le futur du tourisme d’ici à 2050, tels ont été les ingrédients pour un événement décidément hors des sentiers battus. Ce n’est pas moins de 18 conférences et tables rondes auxquelles nous avons eu la chance d’assister et de participer pour l’une d’entre elle. Retour sur cet événement riche en matière à réflexion.

Voici « pêle-mêle » ce qu’il fallait retenir des débats :

    • Les Entretiens de Vixouze visent à adopter une approche prospectiviste. Or, la prospective exige un lourd travail de créativité et d’imagination de différents scenarii. Il faut donc être capable de faire un pas de côté pour oublier notre quotidien pour pouvoir se projeter.
    • L’imaginaire n’est pas le contraire du réel, il en fait partie. Cependant, l’imaginaire modifie nos perceptions.
    • La notion de tourisme est apparue en 1792… en même temps que la notion de modernité. Cette dernière repose sur un mythe de référence qui est le progrès. Dans le monde du progrès, le présent est supérieur au passé et le présent est inférieur au futur. Cela engendre un désenchantement et de la frustration, ce que Baudelaire appelle le « spleen ».
    • Tout est éphémère et fugitif, alors qu’on tend vers le durable, le transhumanisme et l’éternel. Pour poser des limites au transhumanisme, il faut développer « l’hyperhumanisme ». La modernité est la traversée dans la conscience d’un nouveau rapport à l’espace et au temps.
    • Les deux guerres mondiales ont réduit à néant l’idée que le progrès technique est un mythe de référence, faisant émerger ainsi la post-modernité. Celle-ci passe par le progrès moral et l’intelligence émotionnelle.
    • La massification n’est pas la disparition des différenciations, mais un simple déplacement de celles-ci.
    • Nous sommes désormais entrés dans un monde de la scénarisation (ex : scénarisation de l’Histoire avec le Puy-du-Fou ou encore le « Schindler Tour » pour visiter les lieux historiques de la Seconde guerre mondiale).
    • L’homme post-moderne a du passé dans son présent et dans son futur, mais il a aussi du futur dans son présent. Cela modifie les perceptions et les comportements. Toutes les pratiques culturelles, gastronomiques, corporelles, vestimentaires, etc. sont désormais bousculées.
    • On peut retirer de ce rapport à la post-modernité de nouvelles croyances, dont on pensait pour certaines qu’elles avaient pourtant disparues depuis le Moyen-Âge (ex : théorie du complot, force des « fakes« , etc.) et de nouveaux modèles, de nouvelles pratiques, etc.
  • Un nouveau paradigme est donc en train de s’installer, où le passé représente la nostalgie, le présent n’est possible que dans la scénarisation de l’expérience et le futur ne peut s’envisager que dans la capacité à anticiper. Il y a du reste fort à parier qu’il y a de moins en moins de frontière entre ces trois temps !

Processed with MOLDIV

  • Un fait incontestable : un jour, il n’y aura plus de carburant fossile pour faire démarrer un avion tel qu’on le fait aujourd’hui. En 2030, l’avion prendra-t’il le train en marche ? Pour se déplacer sur de longues distances, nous aurons le choix entre le Transpod Hyperloop et l’avion à hydrogène Clip-Air.

Clip-Air

    • Pour les plus courtes distances (autour de 0 à 100 km), les drônes individuels et au pilotage totalement automatique seront disponibles, tels que ceux sur lesquels travaille le chinois Ehang.
    • Les moyens de transport en 2030 offriront un temps de vie riche dans lequel la notion de plaisir deviendra un critère absolu. On ne jugera plus le temps de parcours, mais l’expérience du temps parcouru.
    • Tous ces moyens de transport ne sont pas concurrents, mais complémentaires. Cependant, à ce stade, on ne sait toujours pas comment supprimer les ruptures de charge (ce qu’on appelle les « frictions » chez SWiTCH, ndlr) entre les moyens de transport longue distance et ceux qui permettent d’accomplir les derniers kilomètres entre son domicile ou son bureau et les gares et les aéroports.
  • D’ailleurs, la clé du succès de tels projets est que pour qu’ils puissent simplement exister et se développer, il est indispensable qu’ils puissent s’insérer au sein des infrastructures déjà présentes (ex : aéroports, gares, etc.). La modularité de ces moyens de transport est donc essentielle.

Ehang - drone

    • Il est intéressant de constater qu’il y a encore 100 ans, la clé de la liberté était une clé de voiture. Aujourd’hui, c’est un téléphone mobile qui nous permet d’être mis en relation avec les solutions de mobilité (ex : velib’, co-voiturage comme Blablacar, VTC de type Uber ou LeCab, etc.).
    • Nous passons d’une société de propriété à une société d’usage/utilisation.
    • Qu’est-ce que la « Cobotique » : c’est la collaboration avec les robots ! Cette forme de collaboration va se développer très fortement dans nos gestes quotidiens et dans nos habitudes de travail. Cependant, les robots ne vont pas complètement remplacer les hommes… bien au contraire ! Ils vont simplement les soulager des tâches ingrates pour ne leur laisser plus que les tâches à forte valeur ajoutée. Une fois de plus, tout est question de nuance et de dosage. Il va falloir se poser les limites.
    • La mise en marché des destinations passe davantage par un « tourisme de marques » qu’un « tourisme d’Etat ». Partout dans le monde les marques de territoires et les marques d’usages prennent le dessus. Dans ce contexte, chaque Etat, mais aussi chaque destination à son échelle, doit redéfinir le cadre de ses missions en matière de promotion et de mise en marché.
    • Et si le thermalisme romain redevenait le thermalisme de demain ? La raréfaction de l’eau, l’équilibre difficile des budgets de santé publique et la promotion des dispositifs de bien-être et de jouvence sont-ils arrivés au bout d’une logique ?
    • Il ne faut pas confondre « tourisme médical », « tourisme de santé » et « tourisme de bien-être ».
    • Le traitement des addictions par les cures thermales semble être l’un des segments qui connaîtra la plus forte progression dans les 10 à 15 prochaines années. D’une manière générale, le tourisme médical – même s’il est peu développé en France – est un segment qui devrait se développer fortement à l’avenir.
    • Ce phénomène est peu surprenant compte tenu du vieillissement de la population et du développement des maladies chroniques et des maladies de longue durée.
    • La motivation des tourismes de santé et de bien-être est d’entretenir son capital santé. (Life span ≠ Health span).
    • Les données sont le nouvel or noir. Les acteurs traditionnels du tourisme en regorgent, mais les nouveaux entrants, les « pure players de la data » comme Uber, Airbnb, Booking ou encore Blablacar, excellent dans leur extraction, leur analyse, leur utilisation et leur valorisation. Ce qui n’est pas au détriment des acteurs historiques.
    • Le Big Data implémenté des objets connectés (aussi appelés « IoT » pour « Internet of Things ») s’appelle maintenant le « Massive Data« .
  • Il y a 3 ingrédients et 3 recettes essentiels pour collecter, analyser et valoriser les données des consommateurs avec succès :
  1. Le travail sur la qualité des données : enjeux majeurs !
  2. Le travail sur les outils de CRM : il faut qu’ils soient performants !
  3. Le travail en A/B testing : il faut accepter de tatonner et de faire des erreurs avant de réussir !
  4. La concentration : il faut accepter de croiser les données « 1st party« , « 2nd party » et « 3rd party » et de les analyser toutes ensemble.
  5. La collaboration : il faut que les différents professionnels du tourisme issus de différents métiers échangent leurs données pour qu’ils puissent progresser collectivement, sans pour autant risquer de se faire concurrence.
  6. La coconstruction avec la clientèle pour créer les offres produits qui leur conviennent le mieux.
  • Le massive data permet de passer de l’économie de l’attention à l’économie de l’intention : prévoir les intentions des consommateurs pour mieux les anticiper, les devancer et donc mieux y répondre.

Et enfin, pour terminer, voici le résumé de l’intervention d’Armelle Solelhac, PDG de SWiTCH, sur les trois tendances majeures qui se dégagent pour le tourisme en 2035 :
1. Le passage d’un tourisme de masse à un tourisme d’espace. Cela engendre un paradoxe :
– Un tourisme de niche, réservé à une élite financière, qui pourra profiter d’espaces naturels sans surpopulation ;
– Un tourisme virtuel, fait d’images en réalité virtuelle, d’odeurs et de sensations artificielles.

2. Un monde sans friction où l’expérience de voyage et de visite touristique est la plus fluide possible, sans rupture de charge. C’est l’un des plus gros enjeu et défi de ces 30 prochaines années. Cela exige, entre autres, un travail fin et colossal sur l’urbanisation et la gestion des flux, une approche « cashless » des lieux touristiques tout comme des resorts, grâce aux paiements mobiles ou aux bracelets de type Payintech, et bien d’autres modifications de taille de nos organisations.

3. « L’Hypertourisme », qui là encore fait apparaître des approches paradoxales mais pour autant tout à fait compatibles pour autant qu’elles ne soient pas situées en un même lieu. On peut citer parmi celles-ci : l’hyperconnexion et l’hyperdéconnexion (avec les digital detox), l’hyper personnalisation de l’expérience, l’hyper qualité, l’hyper service, l’hyper naturel et l’hyper aseptisé/contrôlé, l’hyper virtuel et l’hyper humain, l’hyper activité et l’hyper inactivité (avec les cures de silence notamment), l’hyper éthique, etc.

Remerciements :
Encore merci à Julie, toute l’équipe organisatrice de l’événement, et surtout à Serge Pilicer pour son invitation. Ce fut un réel plaisir de participer à ces rencontres hors du temps pour mieux anticiper les temps qui arrivent… à toute vitesse !

Retour sur les Académies du Tourisme Numérique 2015 : Personnaliser la relation client

L’une des grandes tendances qui est ressortie des Académies du Tourisme Numérique 2015 est sans aucun doute la personnalisation du marketing : plusieurs conférences et ateliers y étaient consacrés ou portaient sur l’une ou l’autre de ses caractéristiques. Résumé.

Relation Marque-Client : un dialogue continu

Le temps des actions marketing en « one shot » d’une marque vers l’ensemble de ses clients n’est plus possible aujourd’hui. Les clients sont aujourd’hui à la recherche d’une relation sur le long terme avec leurs marques. Ainsi parmi les raisons d’abandon d’une marque, 69% des consommateurs pointent le manque de contact de celle-ci avec ses clients. Il ne s’agit donc plus de délivrer un message commercial, mais de proposer un véritable échange avec ses consommateurs, en s’intéressant à leurs avis et en s’adaptant à leur culture propre. Il est par exemple préférable d’employer des chinois pour communiquer avec des chinois, même si la destination touristique est la France. On passe ainsi d’une logique de fidélisation simple à une stratégie de « Relationship Management », pour gérer toutes les étapes de la relation avec le client.

Du stade passif au mode achat : personnaliser ses messages

Au cours des deux conférences qu’il a animées, Jean-François Messier, Directeur des Nouvelles Technologies pour Mercuri International, a mis en lumière les quatre stades de maturité du besoin : Passif, Intéressé, Engagé, et « En mode achat ». A chacun de ces stades correspond un besoin de communication différent pour le client, et le message à faire passer doit donc être adapté à ces différentes situations. Par exemple, une personne engagée cherchera à comparer une offre par rapport à d’autres similaires quand une personne en « mode achat » aura besoin d’informations pratiques (services inclus, livraison, devis, etc.) avant de passer à l’acte d’achat à proprement parler.

Personnaliser : oui, mais comment ?

Pour Jean-Baptiste David, directeur de l’agence NOE interactive, il s’agit d’abord de « profiler » ses consommateurs pour collecter une information (big data), puis de la rendre « intelligente » (smart data)… pour pouvoir adapter son site Internet à chaque internaute ! La contextualisation s’avère être la clé de cette approche. En identifiant les caractéristiques principales des utilisateurs et en analysant leur comportement sur le site (utilisation du moteur de recherche, mode de navigation, etc.), il est possible d’adapter le contenu et l’offre proposés pour correspondre aux attentes des utilisateurs. Ainsi, un touriste belge n’aurait pas accès aux mêmes informations qu’un homme d’affaire français. C’est également le principe de l’Inbound Marketing : en produisant des contenus en adéquation avec les besoins et attentes de sa cible et en les diffusant via les supports les plus pertinents (par exemple en envoyant un mailing dédié aux mamans lors de la fête des mères), on favorise la conversion du client « passif » au client « en mode achat ».

Anticiper et prévoir : le marketing prédictif

L’utilisation du big et du smart data permettra alors de tendre vers le marketing prédictif. Ainsi, à partir de multiples données (statistiques, comportementales, conversationnelles, sémantiques, etc), nous serons à même de prévoir certaines actions de la part des consommateurs, et de bâtir des modèles prédictifs qui permettront à nos applications digitales de proposer « le bon message, au bon endroit, au bon moment » à chaque visiteur. Les comportements ne sont donc plus analysés a posteriori, mais bien a priori. Poussé au bout de sa logique, le marketing prédictif parviendrait ainsi à répondre à des besoins non formulés par les clients ! Ainsi, Amazon préparera la livraison des colis de ses futurs clients avant même qu’ils aient passé la commande, grâce à des analyses prédictives portant sur l’ensemble de sa base de données client (historique des achats et des retours, produits insérés dans le panier, recherches, etc.). Il peut ainsi entreposer ses différents produits dans les entrepôts les plus proches du client final… et proposer ainsi des délais de livraison plus courts, donc plus concurrentiels.

L’avènement du big et du smart data semble donc présager de belles opportunités pour le tourisme et pour le commerce de manière générale : d’Inosport aux Académies du Tourisme Numérique, il s’agit de LA tendance qui aura le plus fait parler d’elle chez SWiTCH en ce mois de juin !