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[Invitation] Université de la Terre 2011 : « Bâtir une nouvelle société »

Créée à l’initiative de François Lemarchand, Président de la Fondation Nature & Découvertes, l’Université de la Terre a été inaugurée en novembre 2005 à l’Unesco. Trois éditions s’y sont d’ores et déjà déroulées et ont réuni plus de 15 000 personnes autour des 50 personnalités qui ont participé à ces rencontres.

L’Université de la Terre est un carrefour de réflexion et de débats, qui propose deux journées de découverte et d’échange ouverte à tous, sur les grands thèmes de société et d’environnement. Rendez-vous de la connaissance, elle invite des dirigeants d’entreprise, des scientifiques, des économistes, des politiques, des hommes de religion, des sociologues, tous conscients des défis majeurs qui menacent notre planète, à témoigner et à partager leur expertise, leur vision du monde d’aujourd’hui et de demain. C’est un forum d’échanges entre les experts conviés et le public qui participe aux discussions. Ensemble, ils cherchent à réconcilier leurs intérêts respectifs au profit du bien-être des hommes et du respect des équilibres écologiques.

La prochaine édition de l’Université de la Terre se tiendra les 2 et 3 avril 2011 à l’Unesco, à Paris, sur le thème « Bâtir une nouvelle société ».  L’entrée est gratuite, mais nécessite une inscription préalable ici. Dépêchez-vous, il ne reste plus beaucoup de places libres. Parmi les personnalités présentes, vous pourrez rencontrer Jacques Attali, Lionel Bony, André Comte-Sponville, Emmanuel Faber, Susan George, JR, Etienne Klein, Nathalie Kosciusko-Morizet, Tristan Lecomte, Sylvain Tesson, Joël de Rosnay, François-Henri Pinault, etc.

Pour notre part, nous serons présents le samedi après-midi et le dimanche jusqu’à 16h30. Nous espérons pouvoir vous y rencontrer !

[Invitation] Rencontre avec Guy Kawasaki

Après Philippe Bloch, Yvon Chouinard, François Lemarchand et Paul Petzl, nous aurons le plaisir de rencontrer l’un dès plus célèbre et influent entrepreneur au monde: Guy Kawasaki. C’est à l’occasion de la parution de son nouveau livre « L’Art de l’enchantement » (éditions Diateino, 24€) et du « Prix Innover Entreprendre » qui se déroulera le Jeudi 7 avril de 15h30 à 20h, à ESCP Europe (79 avenue de la République, Paris 11ème) que celui-ci fera une conférence exceptionnelle en France, suivie d’une séance de dédicaces.

Ancien évangéliste du Macintosh, Guy Kawasaki a quitté Apple pour créer plusieurs start-up en vue de « rapprocher l’avenir ». Les plus célèbres : Garage Technology Venture, société de capital-risque pour jeunes entreprises et Alltop qui répertorie les meilleurs blogs et sites internet. Il inspire et guide des milliers d’entrepreneurs dans le monde.

L’évènement est gratuit et ouvert à tous sans inscription préalable. Nous espérons vous y retrouver nombreux !

Comment les entreprises peuvent préserver l’environnement tout en restant profitables ?

Armelle Solelhac et Yvon Chouinard

Tous les ans à peu près à la même époque, nous avons la chance de faire une rencontre peu ordinaire. L’année dernière, c’était Philippe Bloch. Cette année ce n’est pas un mais 3 « alter-entrepreneurs » avec lesquels nous avons pu échanger au cours d’une table ronde animée par les étudiants de l’Ecole Supérieur de Commerce de Grenoble. Pour ceux qui n’ont pas pu y assister, voici la retranscription des notes que nous avons pu prendre.

Bonne lecture !

Conférence Grenoble Ecole de Management – Institut Sport et Management

Mercredi 04 Novembre 2009

 Table ronde : « Regards croisés d’alter-entrepreneurs »

Invités :

–          Yvon Chouinard, Alpiniste, Fondateur et PDG de Patagonia
–          François Lemarchand, Fondateur de Pier Import, Fondateur et PDG de Nature & Découverte
–          Paul Petzl, PDG de Petzl

Animateurs : Jean-Philippe, Coline et Jordan, étudiants à GEM

Question : Quelles ont été vos motivations pour devenir chef d’entreprise ?

Yvon Chouinard (Y.C) : Dans les années 1960, je n’avais aucun respect pour les businessmen. Je voulais juste faire du surf et de l’escalade à Yosemite (CA). J’avais des idées pour améliorer mon matériel d’escalade. J’ai commencé à fabriquer mes propres pitons en incorporant des améliorations techniques. Ca a plu à mes amis et peu à peu je me suis mis à vendre des pitons devant le coffre de ma voiture. Tout ce que je voulais c’était d’avoir assez d’argent pour payer mes factures, partir voyager, grimper et surfer le plus possible. Je n’avais aucun désir de créer une entreprise. Pour moi, ce n’est pas une fin en soi. C’est juste arrivé comme ça !

François Lemarchand (F.L) : Dans les années 1970, tout était abondant, tout était possible ! La grande aventure à l’époque c’était de découvrir le monde. J’ai donc créée Pier Import. Je partais avec ma femme à la recherche de produits issus de l’artisanat local. Cette entreprise a eu du succès, parce qu’elle racontait une histoire aux gens, une histoire différente des autres entreprises d’ameublement de l’époque. Actuellement, cette entreprise est pratiquement morte, à cause de la globalisation et parce que son introduction en Bourse a changé les objectifs des dirigeants. Au départ, on voulait apporter quelque chose de différent aux clients. Les dirigeants actuels de Pier Import veulent juste faire des profits. Après avoir vendu l’entreprise dans les années 1990, j’ai créé Nature & Découverte qui correspondait aux valeurs de l’époque.

Paul Petzl (P.P) : Mon père était artisan et avait une passion pour la spéléologie. Il était un peu bricoleur et, comme Yvon Chouinard, il voulait améliorer son matériel de spéléo. Pour nous, la perfection est la seule valeur qui nous permette de signer nos produits avec notre nom. Finalement, Petzl a démarré comme Patagonia !

Question : Yvon Chouinard, pourriez-vous nous parler de votre M.B.A. (« Management By Absence ») ?

Y.C : Comme je l’ai dit, tout ce que je voulais, c’était de faire du surf quand il y avait de la houle, du ski quand il y avait de la poudreuse et de l’escalade quand il faisait beau. Mais ce n’est pas si simple que ça, car il n’y a pas d’horaire pour les vagues ou la poudreuse ! Je voulais donc pouvoir travailler avec mes amis et avec des horaires suffisamment flexibles pour aller surfer. Je voulais aussi que mon travail soit un terrain de jeu et vice-versa. Je voulais pouvoir partir 6 mois de l’année pour grimper, pêcher et surfer sans que l’entreprise soit en péril. Les clés pour que cela fonctionne c’est :

–        d’embaucher des gens indépendants, autonomes, avec le sens de l’initiative et suffisamment motivés, c’est-à-dire véritablement engagés dans le projet d’entreprise. S’il y a le feu dans l’entreprise, ça ne sert à rien de m’appeler ! Je ne suis pas pompier. Par contre il faut des gens capables d’avoir assez d’esprit d’initiative pour appeler les secours. Pour moi, le résultat est plus important que le temps passé à travailler. S’il faut dix ou seulement une seule heure à un salarié pour obtenir le résultat escompté, ce n’est pas mon problème ! Ce qui compte, c’est le résultat. Pour cela, il faut des salariés qui adhèrent pleinement aux valeurs de l’entreprise.

–        Ne pas avoir de bureau fixe, ni de tâche fixe. Il faut que tout le monde soit capable de faire le travail de son voisin. Comme ça, si son collègue est absent, parce qu’il est malade ou… parce qu’il fait du surf, l’entreprise continue de fonctionner !

F.L : Tout le monde s’en fout de maximiser les profits des actionnaires ! Il faut donner du sens à ce qu’on fait et à son travail. Par exemple, une fondation d’entreprise, ce n’est pas une simple œuvre caritative, c’est un bien commun à tous les salariés. Mais attention, il ne faut pas se leurrer, on ne peut pas être altruiste quand il n’y a rien à bouffer !

P.P. : La croissance et l’argent ne sont pas le but. Quand on crée une entreprise, on ne fait pas des bénéfices tout de suite, il faut du temps. La croissance peut être déstabilisante pour l’entrepreneur et les salariés, mais aussi pour les clients. Le chef d’entreprise doit donc réguler cette croissance. Le but, c’est de créer, d’inventer des choses et du lien. Il faut être passionné par le produit et par le client. Il faut avoir le plaisir d’étonner chaque fois un peu plus le client.

 

Question : Parlez-nous de l’engagement de vos entreprises dans l’environnement ?

Y.C : Avant, Patagonia reversait 10% de son bénéfice avant imposition. Depuis la création de l’association 1% Pour La Planète, nous reversons 1 % de nos ventes (NDLR : donc 1% du chiffre d’affaire) à des organisations non gouvernementales qui travaillent à la préservation de l’environnement. Ce n’est pas de la charité, c’est le coût du business !

F.L : Nous avons écrit une charte d’entreprise qui expose nos valeurs et nos actions et nous nous les réalisons ! Nous collectons aussi des fonds auprès de nos clients, en plus des 10 % de nos profits que nous reversons à notre fondation d’entreprise.

P.P. : Il faut ouvrir l’entreprise sur autre chose que le commerce. Les engagements sont une des responsabilités des entreprises. Il faut rendre à la nature et à tous ceux qui nous font vivre tous les jours un peu plus que ce nous leur prenons ! Il y a 4 ans, nous avons créé la Fondation Petzl. Depuis, nous avons réalisé 45 projets, comme la réfection d’un refuge en montagne qui datait de 1910 et qui tombait en ruine.

 

Question : Comment communiquez-vous autour de ces engagements ?

F.L : Nos clients sont issus de la société post-consommation. Ils ne croient pas en la publicité, mais adhèrent aux valeurs des entreprises. Donc, on ne communique pas spécifiquement sur nos engagements. On fait du « buzz », on diffuse doucement. Comme c’était écrit sur la devanture de la pâtisserie de mon enfance : « Bien faire et laisser dire ».

Y.C : Je veux sauver la planète. Mais au lieu de ne me concentrer sur l’idée, je me concentre sur le processus. C’est pourquoi je donne aux ONG.

P.P. : En tant qu’entrepreneur, j’ai la responsabilité de donner à mes salariés et à la nature, dont je puise l’énergie.

F.L. : Nous avons une vie schizophrénique, car nous sommes à la fois patrons et écolos. Quand je rencontre des amis patrons, ils me disent : « à vous les écolos… ». Et quand je vois mes amis écolos, ils me lancent : « mais vous les patrons… ». Etre dans cette opposition n’avance à rien. Dans un futur très proche, le discours des clients aux entreprises sera très clair : « si tu n’es pas vert, je te boycotte et je boycotte tes produits ». Il n’y a donc pas le choix, il faut s’y coller !

 

Question : Comment en période de crise économique et de délocalisation des productions, peut-on concilier l’engagement social et environnemental d’une entreprise et la profitabilité nécessaire à sa survie ?

Y.C : Dans l’histoire de Patagonia, à chaque crise économique, nous avons fait des profits records. Pourquoi ? Parce que les gens ont cessé d’acheter de la mode et des produits accessoires. Ils se sont mis à acheter des produits de bonne qualité, donc durables, et multi-usages. Par exemple, au lieu d’acheter une combinaison de ski qu’ils ne mettent que 15 jours par an et qui encombre leurs placards les 11 autres mois de l’année, ils se sont mis à acheter une veste pour faire du ski, pour faire du vélo et pour aller en ville aussi. Je ne veux pas des clients qui achètent pour acheter, mais des clients qui ont besoin des produits Patagonia. Pour moi, le véritable pouvoir n’est pas entre les mains des politiques ou des financiers, mais entre les mains des citoyens et des designers.

P.P. : La délocalisation, on va y revenir !

F.L. : Nous ne sommes pas la génération X, mais la génération schizophrène, car nous sommes plein de contradictions. On veut tout en même temps : des produits locaux et pas chers. Or, ce n’est pas possible. Les valeurs communes de la société et les comportements individuels doivent changer !

 

Question : Comment, à l’échelle des entreprises, peut-on gérer les relations avec les gouvernements et les politiques pour les impliquer davantage sur les questions environnementales ?

Y.C : Les politiques doivent être plus effrayés par les entreprises et les citoyens que par la nature. Laissez-moi vous raconter une petite histoire pour illustrer tout ça. Vous êtes dans les Pyrénées, il fait beau temps et un guide vous emmène faire une belle course, mais avec quelques passages escarpés. Si le guide est patient et compréhensif, vous passez, mais vous continuez à avoir peur de la nature. Par contre, si vous êtes à Zermatt en train de faire l’ascension du Matterhorn avec des pierres qui vous tombent sur la tête, une grosse tempête qui s’abat sur vous et que le guide vous tire violemment pour vous faire avancer plus vite, à force, vous finissez par avancer, parce que vous avez plus peur du guide que des dangers de la nature. Avec les politiques, c’est pareil. Il faut leur faire peur pour qu’ils avancent !

F.L. : Oui, les politiques répondent à la demande des citoyens.

 

Question : Comment se traduit la RSE dans vos entreprises ?

F.L. : On est très concret ! On attribue des « budgets CO2 » à chacun de nos départements. Il faut rendre les gens malins et débrouillards, car tous les ans leur « budget CO2 » diminue par rapport à l’année précédente.

P.P. : On a embaucher un Responsable du Développement Durable, qui a du pouvoir et des moyens pour piloter de nombreux projets de développement durable dans l’entreprise. Par ailleurs, nous avons repensé nos locaux. Par exemple, les salles équipées d’ordinateurs ont été équipées de récupérateurs de chaleur pour chauffer le restes des bureaux de l’entreprise.


Question : Parlez-nous de la transmission de vos entreprises ?

Y.C : Je reçois des propositions de rachat de mon entreprise toutes les semaines. Ca ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est la transmission des valeurs. Je dis souvent « n’achetez pas ce produit, à moins que vous en ayez vraiment besoin ! » […]* J’incite les gens à appliquer la « méthode des 5 questions », initiée par Toyota, pour régler un problème. Il est nécessaire de se concentrer sur les causes du problème et non les symptômes. Pour cela il est essentiel de se poser les bonnes questions en amont.

* Un morceau des explications d’Yvon Chouinard m’a échappé… Désolée ! Si l’un des participants à la conférence a l’occasion de lire ses lignes et a pu noter ce qui a été dit, merci de bien vouloir me le faire parvenir.

P.P. : Ce qui est fondamental, c’est que quand on conçoit les choses, on les conçoit pour qu’elles durent.

F.L. : Oui, pour ne pas faire les choses idiotement et si on veut avoir de bons produits, il faut se poser des questions en amont.

P.P. : Cette notion de transmission des valeurs dans les entreprises est très importante. Il faut développer une culture d’entreprise, un véritable ADN.


Conclusions par Elysabeth Laville, PDG de Utopie (agence spécialisée en stratégies de développement durable), Prix de la femme de l’année 2008, HEC 1988.

–          Ce n’est pas en étant obsédé par le profit qu’on en génère durablement.
–          Il faut savoir trouver un équilibre entre le travail, la passion, l’amitié et la famille.
–          Ce n’est pas en encadrant les gens qu’on les libère et qu’on les pousse à développer leur esprit d’initiative et leur capacité à être autonomes.
–          Une entreprise qui grandit trop vite, c’est dangereux. Il n’y a pas de start-up (au sens « jeune pousse ») dans la nature qui vivent longtemps.
–          Les fondations d’entreprise ne suffisent pas, il faut aussi des actions au quotidien dans les entreprises. Il ne s’agit pas de se dédouaner avec une simple fondation.
–          Les entreprises doivent être des laboratoires d’innovations pertinentes.
–          « On a les clients qu’on mérite ». Que faites-vous pour avoir les clients que vous voulez ?
–          « On a une montagne à gravir et nous n’avons fait que les premiers pas ».
–          Est-ce que le développement durable rapporte ? Il n’y a pas d’outils de mesure scientifique et, de toute façon, en la matière il ne faut pas nécessairement réfléchir en termes de profits financiers ! « Il n’y a pas de profits à faire sur une planète morte » (David Brower).

60 secondes pour conclure

Yvon Chouinard :
–          A l’époque, le sexe était sans danger et l’escalade était une activité périlleuse.
–          Les gouvernements n’ont pas de pouvoir, mais nous – les citoyens – avons le pouvoir !
–          La génération X est perdue, mais la génération Y représente l’espoir.
–          Nous n’avons pas toutes les réponses, mais nous posons – au moins – les questions.

François Lemarchand :
–          On se demande souvent « pourquoi ? », mais peut-être faudrait-il aussi se demander « pourquoi pas ? ».

François Leccia (Directeur du Institut Sport & Management) :
–          La satisfaction des clients est fondamentale, car sans eux les entreprises ne sont rien.
–          Sans la jeunesse, demain ne se fera pas.

Sources :
Notes prises et retranscrites par Armelle Solelhac
Photo : Michaël Rouhaud (
Le Yéti)