Comment déplacer son coeur de métier et diversifier son activité ? L’exemple de Poma.

Dans le cadre du Club Euro Alpin, SWiTCH a eu le plaisir de visiter la société Poma et l’une de ses filiales, SIGMA, qui produit l’intégralité des véhicules Poma : du siège au funiculaire en passant par les cabines de téléphérique. Pour les non skieurs, c’est une entreprise française créée en 1936 sous le nom de Pomagalski. Cette même année, elle révolutionne la pratique du ski avec l’installation du premier téléski à l’Alpe d’Huez. Suite à ce premier succès, la construction de remontées mécaniques s’accélère et offre de nouvelles perspectives de développement aux stations de montagne. Avec la réalisation du téléphérique de l’Aiguille du midi en 1956, des premières télécabines automatiques dix ans plus tard, des premiers télésièges débrayables en 1982 ou du Vanoise Express en 2003, Poma semble toujours avoir un temps d’avance en terme de transports par câble. Avec plus de 830 employés dans le monde et un CA de 250 millions d’euros en 2010, le constructeur français se place comme l’un des géants de son secteur. Quelles ont été les clés de la réussite ?

Malgré le succès grandissant des produits liés à l’activité neige, l’équipementier a très rapidement fait le choix d’élargir son cœur d’activité. Contrairement à certains de ses concurrents sur le secteur neige, Montaz par exemple, l’entreprise iséroise n’a pas attendu la maturation et le déclin global du marché des remontées mécaniques en station de ski pour se diversifier. En 1950, l’activité neige représentait 100% du chiffre d’affaire, 33% en 1976 et moins de 1,5% aujourd’hui.

Poma a fait le choix de capitaliser sur sa principale force pour opérer ce changement : la technologie. En tant qu’entreprise en avance sur son époque, il était nécessaire de préserver cette base technique. Ainsi, la diversification devait passer par un changement de marché. Poma a donc fait le choix de se développer un secteur d’activité bien différent de son cœur d’activité historique : le secteur urbain.

Pour cela, il a fallu investir massivement afin d’évoluer techniquement. Un équipement de transport câblé classique en station fonctionne environ 1000h par an. En milieu urbain cette durée est multipliée par 7 et les contrats imposent une disponibilité de l’équipement à 99,8% du temps. Autant de contraintes qu’il a fallu surmonter, une fois de plus, grâce à la technologie.

L’une des dernières réalisations de Poma ? La télécabine de Medellin. Avec trois tronçons, quatre stations, un débit d’un millions de personnes par mois, elle permet de relier plusieurs lignes de métro et s’intègre complètement au réseau de transports urbains classiques. Avec des infrastructures moins lourdes, un faible impact écologique et un coût d’exploitation deux à trois fois moins élevé que celui du tramway, le transport par câble séduit de plus en plus de mégapoles : Le Caire, Rio de Janeiro, Taipei, etc.

 

A l’heure de la crise économique et du Grenelle de l’environnement, pourquoi ne voit-on pas fleurir des projets de transport câblé dans toutes les grandes villes françaises ?

D’après Pierre Jaussaud, Président de l’association « Le chainon manquant », il existe trois principaux freins au développement du transport par câble :

  • Un frein technique (et psychologique ?) : l’adaptation des transports câblés au milieu urbain nécessite une réelle évolution technique afin de garantir un niveau de fiabilité, de service et de sécurité irréprochable. C’est chose faite à 99% aujourd’hui, comme le montre les installations présentées précédemment.
  • Un frein financier : les bureaux d’étude en charge de la sélection des dossiers sont commissionnés à hauteur de 4% du montant total du budget choisi, ce qui peut constituer un critère de sélection entre deux dossiers… De plus, les transports par câble pâtissent d’une méconnaissance en termes de coûts, de fonctionnement ou d’impacts écologiques auprès des bureaux d’étude.
  • Un frein administratif. Les bureaux d’études doivent être agrées par le STRM-TG (Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés) pour suivre la construction de trams aériens. Or, le STRM-TG n’a actuellement agréé que 6 bureaux d’études ce qui freine considérablement le développement de ce moyen de transport.

Le désengorgement des centres ville et les préoccupations environnementales étant au cœur du débat politique des grandes agglomérations françaises, il semble indispensable d’analyser avec soin les opportunités que peut offrir le « tram aérien ». Poma est déjà prêt à saisir cette nouvelle opportunité…

Crédit photos : Jean-Baptiste Cotte, Around This World

9 réponses
  1. Fiesinger
    Fiesinger says:

    Bravo pour ce premier débrief trè sréactif, un compte rendu est en cours de validation auprès des 2 entreprises et sera bientot disponible sur l’extranet de l’organisateur de cette manifestation!
    Francis Fiesinger
    Co fondateur du club euro alpin

  2. Fiesinger
    Fiesinger says:

    un florilège d’ignorance et de faux arguments concernant le tram aérien est cité dans cette conférence de presse! Le créneau du tram aérien n’ a rien d’étroit pour le transport urbain ou les liaisons ville montagne. C’est au contraire une perspective d’avenir moins onéreuse que les autres modes de transports, plus écologique, plus fiable… Les couts en milieu urbain sont connus et les PMR ont accès aux cabines depuis de longues dates…voir site de poma à Rio , New york, medelin…

    Cette fédération est très mal renseignée…

  3. Pascal Roux
    Pascal Roux says:

    un peu mal après ce résumé !
    -> si les honoraires (et non commissions) des BE étaient de 4% en Transport par câble… je serais un des rois du pétrole. C’est peut-être vrai pour l’ingénierie des tramways, mais pas pour le câble, en tout cas dans sa forme actuelle. Par ailleurs, si les budgets des tram sont en centaines de Millions d’Euro, on ne parlera « que » de dizaines pour le câble. Les acheteurs publics sauront apprécier toutefois l’économie.
    Nos BE « cables » sont sollicités directement pour les alternatives câbles lorsque le Politique y est prêt. Et nous sommes très au fait des avantages « collatéraux ». Nous participons hardement au lobbying et menons d’ailleurs quelque étdues de faisablité actuellement.
    -> les cabinets agréées par le STRMTG sont peu nombreux, certes, mais nous sommes loin d’être un frein,et aux limites de nos capacités. Tout au contraire, on a encore bien de la ressource à mobiliser pour accompagner le developpement du cable urbain. En dépit de le voir accélérer en France, nous allons d’ailleurs le chercher hors de nos frontières.
    Plus grave : les transports en site urbains ne sont pas soumis au code du Tourisme comme les transports en montagne qui eux requièrent un agrément. L’Urbain relève du code de l’Urbanisme et à ce titre entre dans la loi MOP : MOE+EOQA -> l’agrément STRMTG est hors sujet.
    Tout comme POMA, nous mettons une énergie considérable pour pousser le transport cable urbain, car comme eux, le périmètre de notre marché (qui nous est commun) doit être reconsidérer…

    Attention à ne pas opposer les acteurs qui sont tous mobilisés.
    La vraie clé, à mon sens, reste l’acceptation politique et sociétale. Le câble de nos stations ne doit pas être transposé en l’état. Son design (au sens le + large) et son urbanisation fait partie de nos réflexions. Le cable est un dispositif extraordinaire de franchissement (cours d’eau, dénivelés, infrastructures, …). Faisons le rentrer par sa voie la plus légitime. Le reste suivra.
    Pascal ROUX – President MDP Consulting – cabinet d’Ingénierie…dans les trsp câbles

  4. Jean-Baptiste Cotte
    Jean-Baptiste Cotte says:

    Pascal Roux :
    Les éléments que vous reprenez à propos des bureaux d’études sont issus de notre entretien avec Pierre Jaussaud, mais n’exprime pas l’opinion de SWiTCH.

    Merci pour ces précisions, qui permettent de nuancer le point de vue du président de l’association « Le Chainon Manquant ».

    Francis Fiesinger :
    Le chiffre présenté est celui qui nous a été communiqué durant la visite chez Poma.

    Merci de me transmettre les données dont vous disposez ainsi que leurs sources.

  5. P.Jaussaud
    P.Jaussaud says:

    Plusieurs petits rectificatifs. A tout seigneur tout honneur: D’abord la FNAUT. Elle en est restée avec son affidée locale, l’ADTC, à des installations hectométriques, tournant à 5m/s, alors qu’en 1992, POMA a réalisé l’installation de Brides les Bains sur plus de 5 km, avec des gares intermédiaires, et j’ai personnellement fait les premiers essais à 6m/s dans les années 80. J’ai essayé -en vain- de lui dire qu’elle faisait fausse route, alors laissons dormir en paix! Aujourd’hui les télécabines les plus rapide tournent à 8m/s, et des essais faits à Val d’Isère ont montré qu’elles ne posaient pas de problème à 9m/s, limite de la machinerie de Val d’Isère. L’ installation de Brides les bains a connu un tel succès qu’elle est aujourd’hui saturée, et comme elle avait été dimensionnée au plus juste (à cause des opposants de l’époque qui ont bien changé d’avis depuis!), il faut la refaire à zéro.
    Les honoraires des maitres d’oeuvre pour les trams, mais c’est vrai aussi pour le tram aérien varient entre 0.5 et 4% selon la nature de la mission. Quelque soit le pourcentage, il est plus intéressant de piloter un chantier de tram au sol de 360M€ (ligne E) que de tram aérien (80M€)sur le même itinéraire!
    Les maitres d’oeuvre transport par câble: leur nombre est à la limite du travail qu’ils ont à faire aujourd’hui. Mais si on donne au tram aérien la place qu’il mérite, alors ils seront notablement insuffisants. Je n’ai rien dit d’autre, et certainement pas que les Maitres d’oeuvre du transport par câble freinent le marché! J’ai simplement dit que la méconnaissance du câble chez les maitres d’oeuvre non agréés est un frein à l’extension des projets de tram aérien. J’ai personnellement vécu plusieurs situations dans lesquelles les sociétés de conseil en transport ont délibérément assassiné les projets de câble avec des arguments qui m’ont laissé pantois.
    La non exigence de suivi des travaux en milieu urbain: c’est en application du contraire que la société la moins disante a été éliminée du marché du Grésivaudan, sur la base d’indication (fausses) d’un représentant local du ministère des transports. Les Maitres d’oeuvre n’interviennent es qualité que pour la construction, donc après la phase d’étude spécifique transport.
    Quant à l’appel à agir ensemble pour tirer dans la même direction, c’est ce que le Chainon Manquant propose depuis sa création, et le message commence à passer. Mais nous ne nous sommes que des lobbyistes du respect de l’environnement, des finances publiques et de l’intérêt de ceux qui utilisent les transports publics. Le câble est pour nous le meilleur moyen d’y parvenir. D’où nos actions.
    Pierre Jaussaud, Président du Chaînon Manquant

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  1. […] d’activité souvent bien différent de leur cœur d’activité, sont nombreuses (Cf le cas Poma). Preuve qu’une analyse marketing -et les neurones des marketeurs !- peuvent relancer la […]

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